1. Connaissez-vous les BABI ?
Tous les bébés sont différents et chacun a sa façon particulière d’entrer dans le monde. Pour certains, ce démarrage se vit de façon plus exacerbée, plus intense que pour d’autres.

Avec un tempérament plus anxieux, des pleurs en continu sans raison apparente, une difficulté à se calmer, un besoin constant d’être aux bras, ces bébés sont en alerte permanente, réagissent au moindre détail et épuisent leurs parents. Intenses jusqu’au bout des orteils, ils ressentent des émotions extrêmes qu’ils ne savent pas réguler seuls.
Ces bébés existent depuis toujours, on les nommait « difficiles » ou « capricieux ». Dans les années 80, le Dr Sears, pédiatre américain, propose le concept de BABI, BEBE AUX BESOINS INTENSES. Sans être une pathologie ni un diagnostic, encore moins un pronostic ni une étiquette, -et sans entrer dans les débats- disons qu’il s’agit d’une façon d’observer différemment le bébé et ses particularités. C’est une « grille de lecture » comme une autre qui permet de repérer précocement (et mieux comprendre ?) les besoins spécifiques de certains bébés.
2. Comment repérer un BABI ?
Le BABI est un bébé qui, dès la naissance, manifeste très fortement des ressentis extrêmes qui le submergent, et dont il ne peut maîtriser l’intensité. Voici quelques caractéristiques communes aux BABI :

- Hyperréactivité : Ce bébé est hypertonique, avec les muscles souvent tendus, très contractés. Il ne supporte pas de se sentir coincé (emmailloté, attaché dans un transat), il a besoin d’être en mouvement.
- Hypersensibilité : Ce bébé réagit plus fort que autres bébés, et de façon qui semble disproportionnée à la situation. Il pleure fort, rit fort, sursaute facilement…
- Imprévisibilité : Il n’est pas possible de prévoir la réaction du BABI, ni l’intensité de sa réaction, quelle que soit la situation. De même, ce qui fonctionne un jour pour l’apaiser ne marchera peut-être pas le lendemain… Cela nécessite une grande patience et beaucoup de créativité.
- Besoins physiologiques exacerbés : Ce bébé dort peu, son sommeil est agité et fragile. La technique courante d’une balade en poussette/en voiture pour l’endormir est inefficace. Il a aussi un besoin de succion hors-norme, il tête plus souvent et plus longtemps que les autres bébés.
- Exigences : Ce bébé a un immense besoin de contact physique, la séparation est insupportable pour lui et entraîne des pleurs inconsolables. Les signaux de détresse envoyés par le comportement du bébé renvoient à un sentiment d’urgence.
- Il convient également d’écarter tout signe de douleur et d’éliminer avec le pédiatre toute pathologie de type colique, reflux, otite…
- Enfin, il est nécessaire de vérifier que les réactions du bébé ne sont pas transitoires, liées à une situation perturbante de type déménagement ou séparation des parents…
Évidemment ces indicateurs sont à considérer dans une globalité. Tous les bébés pleurent et réclament les bras. Il convient de considérer l’intensité disproportionnée de la réaction du bébé, sa régularité (tous les jours) et sa constance dans le temps (pas d’auto-apaisement, pas d’amélioration avec les mois qui passent).

3. Comment agir avec un BABI ?

- Tenir un cahier pour y consigner les habitudes, les horaires de bébé et ses réactions. Cela peut aider à anticiper et limiter ses crises de larmes.
- Lui parler ! Lui expliquer ce que vous faites, ce qui va se passer, le rassurer par des paroles, pour qu’il sache que même si vous changez de pièce, vous êtes toujours là pour lui.
- Répondre à ses demandes : le laisser pleurer « pour lui apprendre à supporter la frustration » n’est pas une attitude adéquate avec un BABI. Lui offrir le temps, l’attention et le contact dont il a besoin, sont les seules façons de l’aider peu à peu à s’autoréguler.
- Accepter ce bébé tel qu’il est, sans vouloir lui apprendre tout de suite et à tout prix, les règles sociales et les comportements appropriés.
4. Conseils aux parents
- Laisser la culpabilité de côté et vous faire confiance ! Vous êtes des parents compétents, quoi qu’en dise votre entourage…
- Répondre rapidement aux pleurs de votre bébé, qui a besoin en permanence de réconfort et d’apaisement : portage, peau à peu, massage relaxant… N’hésitez pas à adopter une écharpe de portage et à bercer bébé.
- Vérifier le niveau d’inconfort de bébé, qui est très sensible aux textures, aux étiquettes qui grattent, à une mauvaise position… Privilégiez un environnement sensoriel tamisé (bruit/lumière)

5. Conseils aux professionnels de l’enfance

- Prévoir un temps d’adaptation plus long. Pour certains bébés, plus d’1 mois sera nécessaire ! Au-delà de trouver ses repères dans un nouveau lieu, le BABI aura besoin de s’habituer à votre voix, votre odeur, votre façon de parler ou de vous mouvoir…
- Privilégiez un tapis au sol + une motricité libre. Ce bébé aura du mal à supporter le transat, le parc, la poussette…
- Acceptez de tâtonner et d’être un peu moins « en réussite » avec le BABI. Il est normal de se sentir moins compétent face à un bébé aussi énergivore !
5. Et après ?
A partir de l’âge de 12/18 mois, le bébé gagne en autonomie, surtout dans ses déplacements et ses moyens de communication. Sa détresse est moins intense et il devient possible de ne plus répondre immédiatement à ses demandes. On passe de « j’ai compris que tu as faim, je te donne ton biberon tout de suite », à « j’ai compris que tu as faim, regarde je finis vite de ranger ceci et je te donne à manger ». Cela permet d’éviter une confusion entre « besoin intense » et « désir intense ».

Le bébé passe alors de la souffrance (insupportable) à l’inconfort (gérable) de la frustration. Et l’adulte continue à l’accompagner dans sa recherche de stratégies d’autorégulation.
A noter : Ce bébé intensément demandeur est généralement aussi intensément éveillé, curieux et actif. Il est vif, très intéressé par son environnement, avec une soif de comprendre et de découvrir.
6. En conclusion
Tous les bébés qui pleurent beaucoup ne sont pas forcément des BABI. Et tous les BABI ne deviendront pas forcément des enfants à besoins particuliers, ou des adultes ultrasensibles.
Mais à une époque où l’on parle enfin de repérage précoce, ou encore d’atypicité de développement, ce regard que l’on s’autorise à poser sur ces bébés me semble être une chance pour eux. Car un enfant qui lutte contre lui-même depuis sa naissance, est un futur adulte qui perdra sa capacité à décoder ses besoins internes.
En acceptant de donner à ces bébés particuliers cette sécurité, ce contact, ce portage, cette rassurance dont ils ont davantage besoin que les autres, nous leur offrons les moyens de mieux se connaître, de mieux s’autogérer et d’être plus serein plus tard.
